19 janvier 2018

500 euros par mois de revenus défiscalisés : une aubaine qui risque de mettre à mal les services d'aide aux personnes ? DéFI tire la sonnette d'alarme !

Séance plénière du parlement francophone bruxellois - vendredi 19 janvier 2018 - Intervention dans la discussion sur la motion en conflit d'intérêts concernant le projet de loi relative à la relance économique et au renforcement de la cohésion sociale
Faut-il soulever un nouveau conflit d'intérêts pour arrêter un projet de loi fédérale qui au premier abord paraît sympathique en créant un statut permettant, dans certains domaines,  des prestations défiscalisées pour 500 euros par mois ? DéFI appuie le conflit d'intérêts. Pourquoi ? 
Ce projet de loi aurait dû faire l’objet d’une vraie et large concertation entre entités fédérale et fédérées. Cela s’appelle la loyauté fédérale. « La loyauté fédérale », quels beaux mots, riches d’une belle ambition pour un petit pays. Mais que fait le gouvernement fédéral de cette « loyauté fédérale », dans ce projet comme dans d’autres ?
Ce n’est pas DéFI qui le dit, ce sont des dizaines d’avis remis, depuis quelques mois déjà, par de nombreux acteurs du monde du travail (aussi bien dans le camp patronal que dans le camp syndical) qui se sont prononcés en défaveur du régime de défiscalisation. De plus, dans le processus de dialogue entre entités, le Conseil d’Etat a remis un avis on ne peut plus clair sur ce projet. 
Extrait de l'avis du Conseil d'Etat : « Le régime en projet en matière de travail associatif a une incidence considérable sur des secteurs où la vie associative joue un rôle important, comme par exemple, le secteur du sport, le secteur des soins et le secteur socio-culturel, et qui relèvent de la compétence des communautés et des régions. Lors de l’exercice des compétences fédérales qui sont ici en cause, l’autorité fédérale devra avoir égard au principe de proportionnalité et elle doit, dès lors, veiller à ce que l’exercice des compétences des communautés et des régions ne soit pas rendu impossible ou exagérément difficile, notamment en ce qui concerne le volontariat organisé dans un certain nombre de secteurs. Il est, dès lors, fortement recommandé d’organiser une concertation avec les communautés et les régions en ce qui concerne le travail associatif. »
Il incombait donc au gouvernement fédéral de mener des discussions avec les entités fédérées au sujet de ce projet de loi mais ignorant totalement cette recommandation formulée par le Conseil d’Etat, le gouvernement Michel n’a pris aucune initiative en vue de nouer un dialogue avec les entités fédérées. Par conséquent, ce sont les gouvernements des entités fédérées eux-mêmes qui ont dû proposer à l’exécutif fédéral d’entamer une concertation au sujet du projet de loi relative à la relance économique et au renforcement de la cohésion sociale. Cependant, le Comité de concertation de ce lundi 15 janvier 2018 a tourné court et le projet fut voté mardi en commission de la Chambre, au pas de charge. 
Je voudrais donner deux exemples concrets des risques que comporte ce projet de loi.
·       Un exemple dans le domaine de l’aide aux seniors, aux personnes âgées. En Région bruxelloise, le choix a été fait de limiter le nombre de lits dans les maisons de repos et maisons de repos et de soins. Ce choix est accompagné d’une politique pour aider le maintien des personnes âgées à domicile. Tant ici qu’à la CCC, des associations de soins à domicile sont agréées, contrôlées, subsidiées pour aider, soigner, rendre des services aux personnes âgées qui n’ont plus la capacité d’être totalement autonomes. Ces associations travaillent avec du personnel, des aides-soignantes, des infirmières, des assistants sociaux qu’elles forment, encadrent, suivent au mieux. Si demain une partie de ce personnel déjà rare - qui effectue un travail dur, avec des salaires parfois assez bas – demande de diminuer son temps de travail à 4/5 pour monnayer auprès de personnes âgées fragiles ou de leurs familles, leur travail pour 500 euros par mois complémentaires, cela va entraîner de vrais problèmes. Problème de qualité des soins  (qui va contrôler qu’il n’y a pas d’abus durant ce 1/5 temps ? Personne. Qui va se charger de la formation de ces « aidants » ? Personne), problème d’organisation des soins pour les associations agrées vu la fuite crainte d’une partie du personnel.
·       Un autre exemple, celui des bénévoles volontaires qui s’investissent pour les personnes en situation de handicap. Ce sont des heures et des heures de leur temps libre que ces bénévoles ou volontaires consacrent pour aider les personnes handicapées et leurs familles, pour construire des institutions, pour offrir du répit, des loisirs. Ne risque-t-on pas une certaine « marchandisation » de ce bénévolat, une diminution de ce volontariat ?
Je terminerai par une réponse aux menaces entendues hier en commission. 
Dans toute procédure de concertation, il faut une volonté des deux côtés de la table. Il faut que du côté du gouvernement fédéral, les membres de la majorité tant flamands que francophones puissent ouvrir leurs oreilles à tous ces acteurs  du monde du travail (UCM, SNI, CNT, FGTB, CSC, certaines commissions paritaires et sous-commissions paritaires des secteurs de l’aide aux personnes, plateforme francophone du volontariat, etc.) qui ont remis un avis négatif sur l’avant-projet de loi et ont formulé une série de craintes et critiques à l’encontre du régime proposé.
Ce qui m’a marquée et que je retiendrai des arguments soulevés hier en commission, c’est la sortie du MR, qui a suspendu comme une épée de Damocles au-dessus de nos têtes : « Attention vous feriez bien de réfléchir aux conséquences. Sachez-le ! ». D’après les libéraux, l’adoption de la motion en conflit d’intérêts confortera l’opinion publique flamande dans la conviction que les partis francophones sont sources de blocages et qu’ils s’opposent systématiquement aux réformes socio-économiques souhaitées par une grande majorité des Flamands. Selon ce raisonnement, l’utilisation fréquente de la procédure en conflit d’intérêts contribuerait au renforcement du courant nationaliste flamand et créerait les conditions propices à un scénario de partition du pays. Allez, au MR, redressez-vous, un peu de courage ! La peur et les menaces ne peuvent dicter l’attitude politique. Ouvrez vos oreilles – et sans doute un peu vos veines et votre cœur – à l’écoute de tout le secteur concerné ici.
DéFI refuse de céder au chantage de la N-VA, chantage sur la disparition de la Belgique. Il faut arrêter de faire croire à l’opinion publique francophone que si l’on ose s’opposer à une proposition défendue par la N-VA, on met en péril l’existence même du pays. En d’autres termes, il faut arrêter de dire aux francophones que s’ils souhaitent préserver l’actuel système fédéral, alors ils doivent nécessairement accepter de soutenir toutes les propositions émanant de la N-VA.
En plus, dans ce dossier, on le sait, l’Open VLD veut, à tout prix, décrocher son trophée (à savoir la défiscalisation des revenus tirés du travail associatif, des services occasionnels et des prestations fournies à partir des plateformes d’économie collaborative), puisque le CD&V a obtenu le sien (l’instauration d’une taxe sur les comptes-titres) quelques mois après que la N-VA et le MR ont obtenu le leur (la réforme de l’impôt des sociétés).
DéFi a signé et votera cette procédure en conflits en pensant d’abord au secteur social de l’aide aux personnes, en demandant de revoir l’ampleur de l’application du système pressenti. Ne détricotons pas le travail de qualité réalisé au quotidien par le secteur associatif, à Bruxelles, en Wallonie et en Flandre.

 Texte complet de mon intervention : cliquez ici

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