02 décembre 2016

Intégration de la dimension du handicap dans les lignes politiques

Parlement de la Commission communautaire française - 2/12/2016 - Intervention dans la discussion générale
3 décembre, journée internationale des personnes handicapées. 
Ce matin, je suis intervenue dans l'examen et nous voterons un texte, qui est assez court. Ce sont dix articles, dix petits articles mais dix articles qui sont essentiels et lourds de sens pour notre société. Dix articles, c’est peu, c’est court mais il faut peu de mots pour dire l’essentiel, comme l’écrivait Paul Eluard.
L’essentiel, il réside d’abord dans le fait de disposer d’un texte, un texte de loi et disposer d’un tel texte qui porte intégration de la dimension du handicap dans la conduite politique d’une institution, c’est très important. DéFI se réjouit donc de l’aboutissement de ce projet et du vote qui interviendra tout à l’heure.

Pour DéFI, au niveau de la politique liée au handicap comme dans d’autres politiques, trois points sont essentiels :
  1. Fixer des objectifs clairs à atteindre, des objectifs qui sont des caps qui doivent guider l’action politique
  2. Poser des échéances et les modalités d’évaluation du processus pour atteindre ces objectifs.
  3. Mettre les moyens nécessaires et utiles pour atteindre ces objectifs, moyens financiers et humains.

Ces trois points sont-ils réunis dans ce texte-ci ?
Nous nous réjouissons de trouver tout d’abord dans le projet de décret du Collège, un engagement de législature, un engagement politique clair, des objectifs qui seront définis pour toute une législature, mais qui en plus ne sont pas définis qu’entre politiques. En effet, le projet de décret prévoit l’implication du Conseil consultatif des personnes handicapées afin de fixer les objectifs stratégiques qui seront réalisés au cours de la législature. Fixer les objectifs est donc bien prévu dans ce texte.
Ensuite, le décret impose des rapport :  un rapport intermédiaire et un rapport en fin de législature décliné par compétence. De plus, le texte décrit ce que ces rapports doivent comprendre. Nous sommes donc bien avec un processus d’évaluation et avec des lignes temporelles strictes à respecter. Nous nous en réjouissons.
Pour arriver à ces rapports intermédiaires et de fin de législature, pour concrétiser les objectifs stratégiques fixés en début de législature, un groupe de coordination sera mis en place. Celui-ci sera composé de représentants des cabinets et des services de la Commission communautaire française. J’exprime une crainte ou une demande à cet égard. J’ai lu l’avis de certaines associations ou fédérations qui demandent que soit associée la société  civile à ce groupe de coordination. S’il est peut-être difficile de faire entrer des associations comme membres à part entière d’un groupe prévu au sein de l’administration, il me semble essentiel par contre, d’une part de prévoir la formation des personnes qui composeront ce groupe de coordination. Avoir le « réflexe handicap » ne va pas de soi. Il faut être sensibilisé. Il faut réfléchir avec un autre point de vue. Je prendrai un exemple concret : lorsque la Stib et la Région bruxelloise ont décidé de changer les trams et de choisir des trams gris et noirs, il parait que l’on a consulté un Conseil consultatif mais personne n’a noté que de choisir des trams dans des tons harmonieux mais avec des portes en noir et gris foncé, on rendait difficile l’accès de ces trams aux personnes malvoyantes qui ne repèrent plus les portes. Il faut vivre le quotidien pour comprendre ce qu’il faut faire, pour empêcher les situations handicapantes. D’autre part, en plus de la formation des membres de ce groupe de coordination, je plaide pour que l’on ne ferme pas la porte à une assistance de la société civile à ce groupe. Je pense que cela se révèlera utile.
Ma crainte par rapport à l’introduction du handistreaming ou « réflexe handicap » de façon transversale dans toutes les politiques, c’est qu’à un moment, ce ne soit pas pris très au sérieux. Je donnerai l’exemple de la dimension genrée des politiques mises en œuvre : lorsqu’un subside est octroyé, il faut compléter un questionnaire, quelques croix pour dire si la dimension genrée est présente ou non dans l’activité. Quelues croix, ce n’est pas difficile, ça n’implique pas une réflexion trop longue et ça ne fait pas bouger beaucoup de choses. Je ne voudrais pas que l’introduction de la dimension du handicap dans les lignes politiques de la Cocof se résume à un questionnaire avec quelques croix. Nous aurions raté vraiment la volonté exprimée dans ce texte.
Fixer des objectifs, c’est fait. Poser un agenda et la méthodologie d’évaluation, c’est fait. Mettre les moyens financiers et humains pour réussir, là c’est une autre paire de manches parce qu’il ne faut pas se voiler la face, réussir une vraie politique incluant les personnes en situation de handicap, cela implique des investissements financiers et humains importants. Inclure dans l’administration ou dans les sociétés privées des personnes en situation de handicap, cela demande du temps pour préparer le travail, pour accepter cette personne ; cela implique des formations, l’adaptation du lieu, la transformation du travail et beaucoup de volonté… Un exemple : pour rendre une fête, par exemple la fête de la musique, accessible à tous, il faut aplanir le sol, prévoir un espace un peu protégé pour les personnes en situation de handicap, y joindre des WC adaptés, etc…, tout cela demande des investissements particuliers auxquels les organisateurs sont obligés souvent de renoncer car ils n’ont pas l’argent qu’il convient.
Je terminerai en disant que ces dix articles, et tous les textes internationaux, nationaux, régionaux, ne seront rien si nous ne faisons pas évoluer la société et le regard que l’on porte sur les personnes en situation de handicap. Nous avons un enseignement spécialisé de qualité mais qui est scindé de l’enseignement ordinaire. Dès le plus jeune âge, on sépare les enfants qui présentent un handicap des autres. Dès le plus jeune âge, on apprend donc à porter un regard basé sur l’exclusion plutôt que sur l’inclusion. Les pas à franchir sont encore énormes pour arriver à l’inclusion, mais le pas que nous poserons aujourd’hui est déjà une très très grande avancée si effectivement, ce texte se concrétise dans le quotidien de nos administrations et de nos gouvernements.

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